Désigner le bénéficiaire en assurance vie : les modalités de désignation

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La désignation du bénéficiaire en assurance vie mérite une grande réflexion. Il s’agira aussi d’être précis dans la formulation.

Qui doit désigner le bénéficiaire d’une assurance vie ?

Le pouvoir du souscripteur

C’est au souscripteur qu’appartient le droit de désigner le bénéficiaire du contrat d’assurance vie : il s’agit d’un droit personnel.

Conséquence : dans l’hypothèse où le souscripteur décède avant d’avoir désigné un bénéficiaire, cette faculté de désignation ne se transmet pas à ses ayants droit, elle se trouve caduque et la valeur acquise du contrat rentre dans l’actif successoral.

Le souscripteur est seul à pouvoir mettre en œuvre ce droit, qui ne peut être exercé en son nom, ni par ses créanciers, ni par son conjoint commun en bien.

La situation du souscripteur incapable

L’article L 132-9 du Code des assurances refuse aux représentants légaux du souscripteur le droit de procéder à la révocation du bénéficiaire. Il semble ainsi logique d’appliquer également cet article à la désignation du bénéficiaire.

À savoir : L’intervention du souscripteur incapable est donc toujours nécessaire pour la désignation du bénéficiaire.

Le cas du mineur

=> Avant 16 ans

Aux termes des articles 903 et 904 du Code civil, le mineur âgé de moins de 16 ans, ne peut en aucun cas disposer à titre gratuit que ce soit par donation ou testament.

En cas de décès, la succession du mineur suit les règles de la dévolution légale.

Dans ce cas, la désignation « mes ayants droits légaux », respectant la proportion des droits successoraux ne semble pas contestable.

Il est très important de tenir la souscription du contrat secrète afin d’éviter l’acceptation des bénéficiaires qui sont dans ce cas, le plus souvent, les ascendants, et les frères et sœurs.

=> Après 16 ans

Le mineur peut à partir de 16 ans disposer par testament à concurrence seulement de la moitié de la quotité disponible (article 904 du Code civil).

II serait donc possible de désigner sur cette partie un véritable

bénéficiaire en cas de décès, la désignation des ayants droits s’appliquerait sur le solde.

L’article 904 du Code civil n’autorisant le mineur à disposer que par testament, cette désignation ne pourrait pas être faite dans le contrat lui-même car ce serait prendre le risque que l’acceptation par le bénéficiaire rende cette désignation irrévocable permettant ainsi de l’assimiler à une donation, acte interdit aux mineurs.

À noter : En revanche, la désignation d’un tiers en qualité de bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie en cas de vie, est totalement interdite au mineur.

Le cas du majeur

Le majeur en curatelle

Article 513 du Code civil : le majeur en curatelle peut librement tester dès lors qu’il est sain d’esprit au jour de la rédaction de son testament, mais il ne peut faire de donation qu’avec l’assistance de son curateur.

Il en résulte que le majeur en curatelle peut librement désigner un bénéficiaire par un testament mais que toute désignation faite aux termes du contrat lui-même, compte tenu du risque lié à l’acceptation par le bénéficiaire doit obligatoirement être faite avec l’assistance du curateur.

A ce titre, une décision du TGI de Limoges en date du 29 janvier 1998 a prononcé la nullité d’une désignation faite par le curateur seul, alors qu’il avait obtenu l’autorisation du juge des tutelles. Une telle modification nécessite en effet le consentement du protégé et de son curateur.

Le majeur en tutelle

L’article 504 du Code civil prévoit que le testament fait après l’ouverture de la tutelle est nul de droit.

Il convient de citer une décision de la Cour de cassation en date du 11 juin 1996, qui a décidé que la compagnie d’assurance devait verser la somme au bénéficiaire désigné par le majeur protégé avant le jugement d’ouverture de la tutelle et non à ceux postérieurement désignés par le tuteur par avenant au contrat d’assurance.

L’article 505 du Code civil autorise les donations faites au nom du majeur en tutelle avec l’autorisation du conseil de famille mais seulement au profit de ses descendants et en avancement d’hoirie ou en faveur de son conjoint. Cette situation ne se retrouvera pas toujours en pratique.

L’article L 132-13 du Code des assurances prévoit que le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumises ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

L’article L 132-13 interdisant de considérer que le bénéfice du contrat est transmis en avancement d’hoirie, il ne reste plus possible pour le représentant du majeur que de procéder à une désignation bénéficiaire du conjoint du majeur en tutelle avec l’autorisation du conseil de famille conformément aux dispositions de l’article 505 du Code civil.

Le majeur en tutelle pouvant se trouver non marié, la désignation du bénéficiaire pourrait se trouver caduque, or en l’absence de désignation, la totalité des capitaux seraient soumis aux droits de succession.

La doctrine s’est demandée s’il y avait véritable désignation lorsque l’on ne fait que nommer ceux que la loi présume être les gratifiés naturels d’une personne, c’est-à-dire les héritiers ab intestat. La réponse est négative.

La clause « mes ayants droit légaux » devrait pouvoir être retenue en fonction d’un raisonnement similaire à celui applicable aux mineurs.

Il a été souligné ci-avant que le contrat pourrait se trouver bloqué, si les ayants droit légaux venaient à l’accepter. Or l’incapable deviendra ou pourra redevenir capable.

Les règles de révocabilité ne pouvant pas toujours être mises en application (ingratitude, inexécution des charges ou survenance d’enfant), il conviendra de stipuler que la désignation bénéficiaire n’est faite que sous la condition suspensive que le décès survienne avant que le souscripteur ne retrouve ou n’acquiert la pleine capacité.

Ainsi le souscripteur conservera-t-il la liberté de procéder à la désignation bénéficiaire qu’il souhaite.

Comment intervient la désignation ?

La désignation peut intervenir à tout moment, soit à la conclusion du contrat, soit pendant la durée du contrat.

Le Code des assurances (article L 132-8) prévoit qu’elle puisse être effectuée soit dans la police, lors de la souscription du contrat, soit par avenant, soit en remplissant les formalités prévues à l’article 1 690 du Code civil, soit par endossement, soit enfin par voie testamentaire.

Il est de jurisprudence constante que cette liste n’est pas limitative, dès lors que le procédé permet d’établir l’intention du souscripteur.

La désignation peut être renvoyée au testament. La formule testamentaire présente ainsi quelques avantages non-négligeables :

  • contourner le risque d’acceptation,
  • possibilité de rédiger des clauses bénéficiaires précises et détaillées (ex : démembrement des capitaux décès, modalités de gestion),
  • permettre d’informer les bénéficiaires lors du décès et de prendre contact avec la compagnie afin de percevoir les capitaux.

Le décès d’un assuré peut en effet être ignoré de la compagnie d’assurance, qui conservera les capitaux jusqu’à ce qu’un bénéficiaire se manifeste.

Une enquête réalisée par la Fédération Française des Sociétés d’Assurance a établi qu’à la fin de l’année 1999, 172 000 contrats d’assurance vie, d’assurance décès ou bons de capitalisation représentant 960 millions d’euros de provisions mathématiques (soit un encours moyen de 5 600 € par contrat) n’avaient pas été réclamés par leurs bénéficiaires.

Une initiative privée, le CIRNS, propose d’enregistrer le contrat et de conserver la clause bénéficiaire confidentielle. Par la suite, les personnes qui pensent être bénéficiaires d’un contrat, peuvent interroger ce centre.

Afin d’informer le bénéficiaire, plusieurs solutions alternatives ou complémentaires au testament sont envisageables :

  • le souscripteur peut mettre au courant le bénéficiaire s’il ne redoute pas les effets d’une acceptation ;
  • il peut laisser son contrat mentionnant les bénéficiaires dans un coffre ;
  • il peut nommer un exécuteur testamentaire et l’informer des dis- positions prises.

Il convient toutefois de mettre en garde les souscripteurs contre les dangers du « ceci constitue mon testament révoquant toutes dispositions antérieures », dès lors qu’un nouveau testament est réalisé.

La clause suivante aura intérêt à être libellée ainsi : « voir testament déposé chez Maître X, Notaire à Y, à défaut mes héritiers dans l’ordre de la dévolution légale ». Ainsi, en cas d’oubli de mention de la désignation bénéficiaire dans le testament réécrit, les capitaux seront attribués en fonction de la dévolution légale.

Il conviendra de ne pas indiquer « testament déposé en date du afin de pouvoir le modifier à tout moment.

Remarque : le testament ne joue qu’au décès, il n’a auparavant aucune force juridique, il est librement révocable. Même si quelqu’un avait connaissance du testament et acceptait auprès de la compagnie, l’acceptation serait inefficace auprès de cette dernière.

La désignation testamentaire est également reconnue par simple lettre, rédigée conformément à l’article 970 du Code civil, c’est-à-dire entièrement écrite, datée et signée par le stipulant.

Conditions de validité

La souscription d’une assurance décès sur la tête d’un tiers ne peut se faire sans précaution. L’assuré devra donner son consentement par écrit.

Le législateur a prévu que l’assuré en cas de décès doit accepter la désignation bénéficiaire.

Le consentement est requis lors de chaque modification de la désignation.

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